EAA Extension de l’école d’architecture de Marseille
- Maitre d’ouvrage : École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille
- Maitre d’œuvre : PANARCHITECTURE
- Site : Marseille (13)
- Programme : extension modulaire semi provisoire de l’ENSAM
- Type de Mission : complète en conception/réalisation
- Cout des travaux : 750 000 € HT
- Surface : 464 m² SDP (+ 150 m² terrasse couverte)
SU : 459 m² / SHON : 506 m² - Livraisons : 2015
Offrant des espaces de travail évolutifs, le projet fait face à d’importantes contraintes réglementaires et à un très faible coût de construction grâce à un procédé constructif industrialisé efficace. Recherchant la simplification programmatique et technique ainsi que la rationalisation des choix architecturaux, PAN démontre avec ce projet sa capacité à insuffler une ambition architecturale forte dans un cadre très contraint. Car il s’agissait de construire un bâtiment léger industriel, un ERP à 1200 €ht/m2 dans une zone à risque élevé de feu de forêt, sur un site soumis à ABF implanté en bordure du Parc national des calanques …
Contexte historique
L’École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille se situe dans un environnement exceptionnel aux qualités passagères remarquables. Construite dans les années soixante par l’Architecte René Egger, l’École d’Art et d’Architecture (reliées par une passerelle) sont un bel exemple d’architecture moderne régionaliste.
Installées sur un site en pente orienté au nord, leur architecture se caractérise par une décomposition en différents bâtiments répartis sur le site. De grands volumes blancs, simples et purs, épousent et accompagnent les courbes de niveaux du terrain. Ils sont reliés par des emmarchements et des galeries couvertes. Ils s’organisent autour de ces galeries et de cours comme autant de réminiscence de figures spatiales méditerranéennes.
L’extension de 1993 réalisé par le groupe CCD (Chabrol,Cérrito et Daniel) a été pensée comme une occasion de remanier la logique d’ensemble du plan de masse qui « péchait par son aspect pavillonnaire ». Le doublement de la « barre principale » a crée une rue intérieure sur laquelle se greffent les principaux équipements dont le nouvel amphithéâtre et la cafétéria.
Désormais, l’organisation de l’école est structurée par une croisée: la rue intérieure et celle, pour l’essentiel extérieure, de liaison avec l’école des beaux-arts et la bibliothèque et sur laquelle se greffent la plus part des ateliers.
Intro
Construire son premier bâtiment dans une école d’architecture est un exercice risqué. Surtout lorsque les architectes en occupaient les bancs il y a encore quelques années et qu’il s’agit de réaliser un bâtiment modulaire préfabriqué, dans une démarche de conception-réalisation et dans un cadre extrêmement contraint (site : zone à risque élevé de feu de forêt, site soumis à l’ABF, bordure du parc national des calanques / faible coût de construction / délais très courts).
Comment transcender le vulgaire bungalow préfabriqué ?
Comment trouver sa place dans l’ensemble architectural constitué de l’ENSA-M ?
Quelles valeurs architecturales donner à ce bâtiment pour qu’il mérite d’accueillir des étudiants en architecture ?
Continuité
La greffe architecturale
Ce qui nous intéresse en premier lieu dans l’architecture existante de l’ENSA-M c’est la relation singulière qu’elle entretient avec ce site. Le rapport dedans/dehors, l’imbrication et la diversité de leurs relations constituent un ensemble suffisamment exceptionnel pour que nous considérions que le projet d’extension doive s’y rattacher.
Notre positionnement se veut respectueux de ce « paysage architecturé ». Il s’agit de prolonger le système, de créer une nouvelle « branche », dans la logique de croissance horizontale du plan masse existant.
Le parti consiste à proposer un volume bâti extrêmement simple et assumé à l’image des ateliers existants et d’y associer un travail sur les circulations extérieures dans le respect de la composition du plan masse.
La dialectique bâtiment / circulation extérieure est réinvestie. Notre projet est une tentative de relecture de la composition de l’ENSAM qui associe de grands volumes bâtis à la géométrie assumée, à des circulations extérieures sous la forme de coursives ouvertes.
Le projet rassemble les trois ateliers de plain-pied dans un volume simple et autonome, tout en les reliant par un espace galerie longeant la façade sud réinterprétant les coursives existantes de l’ENSA-M.
Il s’agit d’inscrire l’extension dans un jeu volumétrique simple aux proportions proches de celles des grands ateliers existants. Les alignements renforcent cette recherche de sobriété et d’appartenance à un ensemble constitué.
La clarté volumétrique et le prolongement des circulations extérieures de l’ENSAM cherchent à inscrire l’extension dans une certaine évidence spatiale.
Entre aménagements extérieurs et mise en scène
Nous avons fait le choix d’implanter le bâtiment sur la plateforme haute disponible pour profiter d’une situation de promontoire, d’ouverture sur le massif collinaire au sud et d’isolement. Le tout en préservant le caractère paysagé de la bute existante.
L’objectif était d’intervenir le moins possible sur le terrain en prolongeant légèrement le niveau de plateforme et éviter l’évacuation de terre. Traitée de manière ludique en pavage à géométrie variable, cette nouvelle bute est réalisé par réemploi de pierre de site issues du terrassement.
Cette stratégie de mise en scène du projet par ses aménagements est une des clefs du projet pour détourner l’image d’une banale construction modulaire.
Notre intervention a consisté à valoriser le traitement des abords (bordure bois, escalier en béton de site, pavage des talus et murs en pierres sèches de site…) par autant de détails et de matériaux bruts faisant appel à un haut niveau de savoir faire local, qui contrastent avec le caractère industriel et préfabriqué du bâtiment.
Notre volonté de conserver l’ensemble des arbres existants est l’occasion d’inventer un paysage minéral de rocailles et de jardins sauvages ou les cheminements s’intègrent et structure le site.
Notre ambition est de proposer des nouvelles pratiques du site en valorisant son ouverture sur le massif boisé situé en sud.
Il s’agit de créer des continuités pour diriger naturellement les usagers vers l’espace commun partagé au sud : la « galerie ».
Distanciation
Un bâtiment autonome
Le travail d’intégration de l’extension par l’emploi de figures d’appartenance (volume proche des existants, implantation, travail sur les espaces extérieurs) est contre balancé par sa nécessaire distanciation vis-à-vis de l’existant.
D’aspect sombre la façade du bâtiment coté ENSA-M joue un rôle particulier dans cette stratégie.
Nous avons utilisé un bardage métallique vertical inspiré des teintes sombres du site naturel auquel nous voulons faire appartenir le projet.
Un travail en dégradé de teintes en fonction de l’orientation des façades (du terre d’ombre au brun gris) permet de qualifier ce volume comme un objet autonome vis-à-vis de l’existant en lui attribuant une valeur abstraite.
Les teintes sont celles de la terre, des écorces des pins et de la végétation de calanque qui permettent de suggérer une appartenance du projet à cet univers. Elles permettent de réduire l’impact de ce grand volume sur le paysage dans une logique de disparition.
L’extension est une ombre qui s’intègre en douceur dans le contexte paysagé de l’ENSAM.
Coté Treille la façade devient plus brutale en adoptant un bardage en tôle ondulée comme pour mieux affirmer son appartenance à l’espace de la treille, brut et pauvre ouvert sur le paysage.
Économique et robuste, ce bardage marque le caractère « intérieur » de la façade sous la treille en opposition avec le reste de l’enveloppe.
Ce travail sur la matière en lien avec les traitements des abords sont une tentative de rendre signifiant le processus de construction architectural banal fait de modules industrialisés au dépend de l’architecture modulaire générique préconçue et standardisée.
Nous pensons que l’intérêt architectural réside dans le caractère pédagogique de ce petit bâtiment qui existe par sa simplicité, l’exigence de ses détails et la vérité de ses matériaux.
L’Arte Povera est un univers référent de ce projet, très présent dans ce questionnement du réel que nous avons essayé d’investir.
La « galerie » un espace évolutif partagé
Cette nouvelle coursive de l’ENSA-M est à la fois une ruelle, une terrasse, un passage… Un espace multiple propice au travail en extérieur (fabrication de maquettes, prises de vues photographiques, espace d’échange et d’ouverture) dans un cadre exceptionnel.
Traité sous la forme d’une treille longeant la façade sud des nouveaux ateliers, c’est un espace d’entre deux protégé du soleil par une vêture naturelle en ganivelles de châtaigner (clôtures agricoles détournées) fixées sur l’ossature en acier galvanisé.
Nous avons imaginé cet espace comme un lieu convivial partagé par les trois ateliers. Un espace capable extérieur libre offert aux étudiants pour y aménager des lieux d’échange.
La structure brut en acier galvanisé est pensée et dimensionnée pour former un cadre libre qui peut être le support d’expérimentations spatiales :
- Aménagements de volumes (plancher, filets, mezzanines extérieures),
- Cloisonnement et fermetures (mise en place de bâches pour créer des jardins d’hivers par exemple),
- Suspensions diverses,
- …
Un espace galerie pour présenter le travail de l’atelier ouvert et accessible à toute l‘école.
Dans sa matérialité, cette structure subit des déformations pour conserver les arbres existants et ainsi épouser l’espace libre disponible. La conservation des arbres est un engagement résistant face aux avis contraires des marins pompiers de la ville de Marseille qui permet d’introduire un lien étroit entre architecture et nature.
Optimisation industrielle / un process optimisé
Le projet organise trois ateliers traversants, autonomes et identiques (même surface, orientation, accès, lumière…) dans un souci d’égalité des trois laboratoires d’enseignement.
Ils sont accolés les uns aux autres, sans circulations intérieures, accessibles depuis les façades sud et nord percés de larges fenêtres en triples vitrages.
Cette organisation permet d’économiser de la surface construite, de réduire les surfaces d’enveloppe pour obtenir un niveau de compacité important, tout en assurant un éclairement naturel sur toute la profondeur des ateliers.
Nous avons donc pris le parti de proposer des espaces ateliers relativement profonds, pour réduire les coûts en s’implantant sur une seule et même plateforme. Mais c’est également une réponse fonctionnelle au programme. Un atelier d’enseignement du projet est un espace ou l’organisation spatiale demande la plus grande flexibilité avec des dispositions spatiales variées ce que permet plus facilement un espace centré que linéaire.
Chaque atelier est séparé par des espaces de rangement et bureaux ouverts qui les isoles et permettent une grande simplicité de fonctionnement.
Tel de véritables ateliers industriels évolutifs, ils sont équipés entre autre d’un sol en béton brut et de rails d’alimentations électrique en plafond permettant une couverture complète des salles, en réponse aux possibles utilisations et évolution multiples (cloisonnement partiel, groupes de travail en demi-salle…).
Le bâtiment est une recherche d’optimisation du système constructif au regard du programme.
Notre intention consiste à dépasser le modèle simple bungalow de type algéco en utilisant un système industriel associant façade et toiture autoportantes garantissant entre autre :
- 11.25 m de franchissement sans points d’appuis intermédiaires (contrairement au ;
- une hauteur libre intérieure de 2.80 m (contre 2.5m habituels en construction modulaire) ;
Le procès constructif est simple. Il démarre comme un bâtiment classique par la réalisation d’une dalle béton sur terre plein avec fondations périphériques. Les façades sont en suite livrées en panneaux sandwich bois / métal toute hauteur sur 1.25m de large et sont posées en série par emboitement.
Une ceinture de couronnement vient maintenir les façades en tête et recevoir un bac sec grandes-ondes permettant de porter de façade à façade sans appuis et avec une très faible pente.
L’ensemble est en suite isolé par l’extérieur et bardé.
La simplicité constructive et la rationalisation du projet se traduit par un temps de montage de quelques jours pour le bâtiment dans un délai global de 5 mois de travaux tous corps d’états.
Les panneaux préfabriqués structurels de la société OBM sont laissés bruts comme parement intérieur (tôle acier laquée, sans intervention de second oeuvre) idéal pour un atelier de travail.
Photos : Luc Boegly